samedi 4 avril 2009

Une bribe de nouvelle - Suite et Fin





Une photo issue de mon caillou au milieu de son océan.
Lieu dit : Boucan Canot



Lisez d'abord la première partie !

Pour la seconde, si Bastien n’a pas maculé le goudron, ni le pare-choc du poids lourd, de son sang, de morceaux de cervelles dégoulinantes, d’intestins, de dents et de petits morceaux d’os, offrant un spectacle, macabre certes, mais pour le moins haut en couleurs, c’est parce qu’il se trouve dans le camion.


On reprend.

Il se trouve à travers le camion. Il est rentré dedans comme on rentre dans un courant d’air et il a fermé les yeux. S’il les ouvrait, il verrait certainement les particules qui composent la structure de l’engin comme de grosses bulles d’huile blanche en suspension dans l’air. D’ailleurs, le voilà qui les ouvre. Juste le temps de distinguer des bouteilles de Coca, cargaison que transporte le véhicule.

Pendant une seconde et demi, Bastien est en immersion dans l’appareil. Il se coupe du Monde. Il se crée sa petite mort. La sueur froide parcourt encore son dos alors que le camion est déjà loin derrière. Il sent sont palpitant porter son nom. Son sourire, fixé sur son visage, lui donne les traits d’un dément.

Bastien n’est pas fou. Pas plus que ne l’est un parachutiste, un sauteur à l’élastique, un enfant qui affronte ses frayeurs dans le noir. Bastien a rejoint le clan récemment créé des similisuicidaires. Non seulement, le nom sonne bien, mais surtout, ils sont de plus en plus nombreux à tester cette expérience gratuite de faire comme s’ils allaient se faire rentrer dedans par un véhicule.

Cette passion neuve est issue de la mise en service d’une de ces nouvelles technologies que seul l’avenir connaît bien. Un modulateur de fréquence qui permet de n’avoir jamais plus de collision, de ne plus pouvoir rayer la carrosserie du véhicule de son prochain et, à terme, de ne plus se rencontrer.

L’appareil se module sur dix puissance vingt quatre possibilités de fréquence. De plus, si un véhicule enregistré sur la même fréquence est détecté dans un rayon de dix kilomètres, le modulateur change automatiquement sa fréquence en moins d’un centième de seconde pour une autre qui n’est pas détectée dans ledit rayon. Bien sûr, l’opération de changement de fréquence ne s’opère pas tant que deux éléments se juxtaposent.

Aucun risque d’accident.

Au début, la majorité des conducteurs peinaient à rentrer dans les voitures des autres. C’est dur psychologiquement de voir quelque chose – même d’impalpable – et de rentrer dedans sans changer sa vitesse. Aux dires de la majorité d’entre eux : « Ca fout les pétoches. »

On a rapidement réglé ce détail pour faire en sorte que les véhicules axés sur d’autres fréquences puissent devenir invisible pour les autres fréquences. A dire vrai, le gros du travail avait été fait en les rendant impalpables. L’invisibilité n’est qu’une formalité au même titre que l’ajout de la voix sur un GPS pour les années 2000.

Aucun risque de rencontre.

L’invention s’est démocratisée rapidement. Plus jamais on eut d’embouteillages ni de soucis pour se garer. Les voitures avaient presque toutes opté pour la fonction « invisibilité ». Pas de contact, pas d’emmerde disaient les moins bien élevés, ceux qui furent mieux élevés le disaient ou le pensaient en d’autres termes.

Seuls les routiers conservaient en majorité le fait d’être visibles. C’est que la solitude au quotidien est pesante et, aussi dérisoire cela puisse paraître, un regard de reconnaissance d’un collègue de temps en temps, ça permettait de garder un soupçon de moral.

Ce soupçon repart généralement quand des enculés comme Bastien se mettent sur leur chemin, simulant leur suicide, le sourire triste mais satisfait. Les plus pétochards, parmi les routiers, ont opté pour l’invisibilité. Les autres, ceux qui ont besoin de se raccrocher à un regard, il leur reste le cynisme. Ils passent outre ces fausses morts. C’est exactement ce qu’ils font. Au sens sale et défiguré.

Tout ceci n’est que le début. L’invention changea la face du Monde et les valeurs de ses habitant. D'autres chapitres appuieront mes propos.

Fin.

NDLR : Souvent, quand je suis allongé sur le dos, j'ai l'impression que je perds mon sang. C'est une sensation étrange, un brin enivrante. Pas vraiment rassurante, je vous l'accorde. Mais je m'y suis fait. C'est ma manière de simuler ma mort, j'imagine.

1 commentaire:

Sum a dit…

Tu es bizarre...^^ mais je le savais déjà =D
La photo est superbe =)
Et ayé tu te fais plus roux?^^
J'ai eût mes 50 feutres <3